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Deux dessins de
Jean-François Millet (1814-1875)
et du libre usage des techniques
En 1875, après la mort de Millet, eurent lieu deux ventes. Lors de celle de son atelier,
56 tableaux (pour certains inachevés) furent vendus pour 321600 francs. Lors de la vente de la collection
de dessins rassemblés par Emile Gavet, 95 oeuvres furent vendues pour un total de 431500 francs (1).
Si la fortune critique de Millet est fort complexe, ces deux chiffres rappellent en quelle haute
estime le monde de l'art tint les dessins du maître.
Les deux oeuvres reproduites ci-dessus sont un autoprotrait (1847) et un scène de pêche au homard
(1857-1860). Leur grande qualité, bien sûr, ne peut qu'accréditer les jugements positifs évoqués ci-avant.
Leurs techniques cependant sont très différentes. Le premier est fait au fusain - très vraisemblablement
avec une large surface plane de fusain pour l'essentiel du dessin - et, semble-t-il,
en usant d'une estompe, un crayon de fibre de papier ou carton
qui étale les traits et rend plus uniformes les valeurs (2).
Dans le second au contraire tous les traits de crayon noir sont apparents. On le
verra plus nettement sur les détails ci-dessous.
De ces deux manières antinomiques de dessiner, laquelle avait la faveur de Jean-François
Millet ? Laquelle lui était la plus naturelle ?
On reproduit ci-dessous cinq dessins :
la leçon de tricot (1853), troupeau de moutons paissant dans un bois,
la précaution maternelle (1863),
bergère, paysanne assise au pied d'une meule (1853).
En regardant le premier, on se persuade
que le peintre savait faire disparaitre toute trace des traits qu'il avait portés sur la feuille pour
que l'oeil n'y distingue plus que les valeurs qui dessinent les personnages baignés de lumière
(en l'occurrence, le grain fin du papier a facilité ce masquage des traits).
En regardant les quatre autres
dessins, on remarque que Millet a dessiné par des séries de traits serrés des zones d'ombre
qui auraient été aussi naturellement rendues par de larges aplats.
Ces dessins, ainsi que les esquisses présentées au Musée d'Orsay en 2006,
laissent donc penser que la technique
naturelle de Millet était le dessin à traits apparents plutôt que le dessin par aplats de
valeurs.
Ayant rattaché l' Autoprotrait et La pêche aux homards à deux manières
opposées que Millet maîtrisait parfaitement l'une et l'autre, avons-nous épuisé notre sujet ?
Sans doute pas car, c'est un véritable défi que de dessiner à traits apparents mer et ciel dans la pénombre.
L'impression d'atmosphère percée par la lumière et d'eau dans laquelle elle se reflète
aurait été plus facile à rendre avec des
aplats de gris qu'avec les traits nets dont Millet fit usage. Inversement nombre de portaits
usent de traits pour suivre rides et cheveux et pour cerner tous les reliefs du visage.
On donne ci-dessous à l'appui de cet avis la reproduction d'une
marine (toute en aplats) de Nicolas Ozanne (1728-1811)
et le portrait (tout en traits) par Albrecht Dürer d'Erasme (1521).
Il aurait donc été tout aussi naturel que Millet use de la technique du second dessin pour
faire le premier et de celle du premier pour faire le second. Mais le dessin (au moins pour les maîtres)
n'est pas qu'un problème de reproduction efficace de ce qui est vu, c'est aussi (surtout pour les maîtres ?)
une affaire de beauté et de charme de l'oeuvre...
On verra ci-dessous avec quel bonheur Millet a associé à des dessins
des touches ou des aplats de pastel - La porte au vaches par temps de neige (1853),
et Crépuscule (1858-1859).
Et on observera de nouveau, dans le dessin-pastel de droite,
sa singulière capacité à rendre slhouettes, lumière, matières,... par un dessin au trait.
(1) Millet , André Fermigier. Ed. Skira. Pages 12-13.
(2) Même ouvrage. Reproduction page 20. Usage de l'estompe indiqué page 135. C'est à l'échelle où sont
ordinairement reproduits les dessins impossible à vérifier de visu.
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